LA MORT SUSPEND L’AUDIENCE
Les populations centrafricaines, victimes des exactions et crimes de tous genres, perpétrés par les groupes armés depuis 2012, ont crié à corps et à sang pour que justice soit rendue et que des réparations soient faites. La session criminelle, qui s'est ouverte depuis le lundi 8 janvier à Bangui, et qui a planché sur le dossier d’Andilo, alias Rodrigue Ngaïbona, a été salué par les organisations de défense des droits de l’homme.Mais à la surprise générale, on assiste parallèlement à la disparition en série des magistrats.
Le Réseau des Organisations de la Société Civile Centrafricaine pour la Gouvernance et le Développement (ROSCA-G&D),à l’instar de la FIDH, du LCDH et de l’OCDH, se félicite de la tenue de ce premier procès sanctionné par une peine de prison à perpétuité. De même, le ROSCA-G&D salue le verdict prononcé le mercredi 28 février en fin de matinée à Bangui par le Procureur général près la Cour d’appel de Bangui, Eric Didier Tambo, qui a requis la peine des travaux forcés à perpétuité à l’encontre de 12 éléments de l’ex-coalition Séléka proches de l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Abdoulaye Hissène.
Ces deux procès font écho au Forum de Bangui qui, en 2015, avait formellement rejeté l’idée de l’amnistie pour les violations flagrantes des droits de l’homme. Or, au moment où la population centrafricaine a besoin des magistrats pour rendre justice, la mort, cruelle, les arrachent précipitamment, au grand dam des victimes.
En effet, en ce début d’année 2018, de janvier à mars, trois (3) magistrats centrafricains ont trouvé la mort. Le premier cas de décès est celui de Jacob Sanny-Damili. Après avoir été présélectionné pour la Cour pénale spéciale, ce Magistrat Hors Hiérarchie a été nommé par le Chef de l’Etat Faustin Archange Touadéra avec 4 autre magistrats (Patience Gréngbo,Michel Ngokpou, Alain Ouaby-Békaï et Alain Tolmo). Ces magistrats, avec les internationaux, avaient pour mission de juger les présumés auteurs des crimes, troubles et autres violations des droits humains commis en République Centrafricaine. Hélas ! Jacob Sanny-Damili est décédé en France au mois de janvier 2018, à la suite d’une maladie.
Le 2ème cas de décès enregistré est celui d’Etienne Koyague, Magistrat Hors Hiérarchie, au mois de février 2018, à la suite d’une maladie.
Le dernier cas est celui de Gilbert Feigoudozoui, ancien Substitut du Procureur général, décès survenu le 5 mars 2018, à la suite d’une maladie.
Ces disparitions nous rappellent celle de Modeste Martino Bria, ancien Directeur général du Service judiciaire, Magistrat Hors Hiérarchie, froidement abattu au moment où la RCA était plongée dans le chaos, en 2014.
Pour Alexis Kaolane, étudiant en Licence de Journalisme, « ce sont les conflits d’intérêts au sein de la corporation qui poussent à la jalousie, aux pratiques mystiques (sorcellerie), à l’élimination des uns par les autres ». Quant à Brice Saramalet, étudiant en Licence de Journalisme, « Ces décès en cascade fragilisent la justice centrafricaine, car ce sont des magistrats expérimentés considérés comme des modèles pour les nouveaux qui sont partis. » Pour combler « ce vide juridique », ces deux étudiants pensent qu’il est urgent de former et de recruter de nouveaux magistrats.
Dr Jean-Claude REDJEME